En ce temps (jeudi 20 janvier 2011) où nous célébrons les cent ans du décès de Don Rua, le premier successeur de Don Bosco (1910 – 2010), nous pouvons essayer de revivre un peu les relations de Luis avec Don Bosco, puis avec son successeur.
Luis a vu Don Bosco.
Il l’a connu à peine quatre mois. Luis naît à Viarigi, près de Turin, le 15 janvier 1875, dix mois avant l’envoi des premiers missionnaires salésiens en Amérique latine. Une vingtaine d’années avant sa naissance, en 1856, Don Bosco a prêché à Viarigi une mission dont on parle encore dans le village. Le papa de Luis, instituteur de l’école primaire, vice-secrétaire communal, et organiste paroissial, suit tous les soirs cette mission. Trente ans après, lorsqu’en 1887, la question se pose de faire faire des études à Luis, c’est tout naturellement que le papa instituteur vient inscrire son jeune adolescent de douze ans au Valdocco. Don Bosco le prend évidemment tout de suite. C’est véritablement providentiel. L’enfant n’aura en effet que quelques semaines pour être avec Don Bosco. Il rentre à Turin- Valdocco le 1er octobre 1887, et Don Bosco va mourir exactement quatre mois après, le 31 janvier 1888. Le « Dieu des rencontres », suivant l’expression chère à François de Sales, n’avait besoin que de quelques jours pour faire éclore la montée spirituelle de l’enfant. Luis se souviendra : « C’était l’hiver et, un après-midi, nous étions en train de jouer dans la grande cour de l’Oratoire, quand tout d’un coup, on entendit crier de toute part : « Don Bosco ! Don Bosco !...Je m’approchai le plus que je pouvais, et au moment où on aidait Don Bosco à monter en voiture, il m’adressa un « doux regard » et ses yeux se posèrent avec attention sur moi…Je ne sais ce que j’éprouvais à ce moment…Ce jour fut un des plus heureux pour moi…J’étais sûr d’avoir connu un saint… »
Rua écoute la demande de ses salésiens pour aller vers les lépreux
L’envoi des salésiens en Colombie est riche en épisodes mouvementés. Le gouvernement et l’archevêque de Bogotà insistent dès 1889, à peine quelques mois après le décès de Don Bosco, pour qu’ils viennent ouvrir dans la capitale une « Ecole des arts et métiers ». Le représentant du gouvernement colombien participe lui-même à Turin, à une réunion du Chapitre supérieur fin avril 1889. Il souhaite l’arrivée des missionnaires dans son pays en janvier 1890, mais don Rua demande de patienter jusqu’en 1891. Finalement, les salésiens embarquent à St Nazaire (France), le 10 janvier 1890, sous la conduite de Michel Unia , un prêtre de quarante ans. Mais en même temps, don Evasio Rabagliati, qui se trouve au Chili, reçoit l’ordre de partir pour Bogotà, où il est nommé directeur de la nouvelle fondation. Le gouvernement offre aux arrivants l’ancien monastère des Carmélites. Ils en feront le « Collège Léon XIII ».
La nouvelle implantation se met en marche avec Rabagliatti comme Directeur. Miguel Unia qui travaille avec lui, entend parler du lazaret de Agua de Dios. C’est pour lui comme un appel profond pour cette population de 600 lépreux qui se trouve à quelque distance de leur oeuvre. Unia a le courage d’en parler à son Directeur, Rabagliati. Celui-ci est un missionnaire de grande ouverture apostolique. C’est lui, qui, sur l’ordre de Don Bosco, a fait franchir le Cordillère des Andes, aux six premiers salésiens désignés pour fonder au Chili. Ce passage de l’Argentine vers le Chili, reste une véritable épopée relatée par Rabagliatti lui-même dans le Bulletin Salésien de l’époque. Rabagliati, en bon Directeur, écoute Unia, et lui répond sagement : « Va vers Agua de Dios ! En même temps, avertis don Rua et restons prêts à faire ce qu’il décidera. » Unia écrit à Rua. Don Rua est bouleversé des détails que le premier salésien missionnaire des lépreux lui raconte. Courageusement, face à toutes les critiques possibles risquant de venir des salésiens eux –mêmes, il lui répond : « Je te donne mon plein consentement et j’implore de Dieu pour toi ses meilleures et abondantes bénédictions »
Rua soutient l’action des missionnaires en faveur des lépreux
Rabagliati, fondateur des salésiens au Chili, devient maintenant fondateur en Colombie. Il est préoccupé lui aussi des lépreux. Son travail de Provincial ne lui permet pas de leur donner trop de temps. Il semble abandonner son travail de Provincial pour venir en aide à ces pauvres gens. Don Albera, futur successeur de Rua comme Recteur Majeur, passe comme Visiteur extraordinaire dans le pays. Il fait des remarques défavorables face à l’action de Rabagliatti. Rua, habilement lui écrit : « Continue ton travail de Provincial jusqu’au moment où tu seras libre de nouveau pour te donner entièrement aux lépreux. » Mais il sera alors envoyé au Mexique.
Don Rua se sert aussi du Bulletin salésien pour renforcer le travail auprès des lépreux. Alors que nombre de salésiens pensent que ce travail prive de personnel des écoles salésiennes, Rua insiste dans son article du 1er janvier auprès des salésiens coopérateurs pour qu’ils aident au financement de la mission auprès des lépreux.
Lorsque le Père Miguel Unia part, sur l’ordre de son Provincial Rabagliatti ouvrir de nouvelles implantations au Mexique, Rua reçoit quantité de lettres de réclamation de la part du Gouvernement colombien, de l’Eglise, et des lépreux eux –mêmes qui demandent son retour à Agua de Dios. Malgré tous ses problèmes de personnel, Rua le fait revenir au lazaret.
Rua et Luis Variara
Don Rua reçoit le jeune Luis Variara au moment de sa profession religieuse. Il lui glisse à l’oreille : « Variara, non variare », soit « Tu t’appelles Variara. Ne varie jamais ! » Le jeune séminariste se souviendra. Les plus grandes difficultés ne le feront jamais changer sur ses décisions les plus profondes. Il ne reculera jamais.
Lorsque le missionnaire Miguel Unia reviendra en Italie, auréolé de son action auprès des lépreux, Don Rua le conseillera : « Va à Valsalice. Tu y trouveras plus de cent jeunes salésiens dont plusieurs rêvent de partir en mission. Choisis ceux que tu veux pour aller travailler avec toi en Colombie. Rencontrant Luis, Unia dira : « Celui-ci est pour moi ! » Luis sera empli de joie et le suivra.
A Agua de Dios, le nouveau Provincial, Don Aime, regarde le travail de Luis auprès des enfants lépreux. Il a lancé avec eux la fanfare, le théâtre, le cinéma. Luis, jeune prêtre, voit plusieurs jeunes lépreuses venir à lui. Elles lui demandent conseil. Certaines voudraient devenir religieuses. Don Aime pense que Luis rendrait plus de services s’il était dans une autre œuvre salésienne, comme par exemple une école. Finalement, Don Aime éloigne Luis de Agua de Dios. Rua reçoit des réclamations de ces jeunes lépreux qui réclament ce prêtre devenu leur grand ami. Rua n’hésite pas. Il écrit à Don Aime :
« Je viens de recevoir un télégramme de Agua de Dios. Les lépreux se lamentent du départ de Don Variara… Je sais que Don Variara a bien besoin de respirer un autre air, pendant quelque temps pour rétablir sa santé. Toi, qui es sur place, tâche d’arranger les choses de la meilleure manière possible, pour qu’il puisse se rétablir et que les lépreux soient contents. »
Après un certain temps, Luis reviendra à Agua de Dios. Rua lui écrira alors: « Je te recommande deux choses : La première : prends soin de ta santé. Tu ne dois pas faire plus d’efforts que ce que peut supporter ta fragile constitution. La deuxième : cherche à rencontrer assez fréquemment les autres confrères et t’entretenir avec eux… »
Jean Baptiste BERAUD, sdb
Variara et Rua
Mot du soir du lundi 17 janvier 2011
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