J'étais
avec le Père Arribat,
à Villemur sur Tarn (Hte Garonne).
J’étais jeune
séminariste, et j’avais été envoyé dans cette petite école primaire que la
Province salésienne de Lyon venait d’ouvrir, à quelque 30 km de Toulouse. Je
venais de faire tant bien que mal quelques mois de philosophie au Scolasticat de
Fontanières à Lyon. Nous étions en pleine guerre, en 1942. J’avais 20 ans. Deux
autres salésiens composaient la petite communauté : le Père Poli, et le
jeune séminariste Paul Berne.
Un détail sur
la pédagogie du Père Arribat. Comme il démarrait cette nouvelle œuvre
salésienne, il avait demandé à mon Provincial, le P. Hippolyte Faure, si je
savais jouer du clairon et du tambour. J’ignorais ces instruments. Je me suis
mis à apprendre, durant les semaines qui me restaient à Lyon, et l’Ecole St
Pierre de Villemur a eu sa clique qui défilait aux jours de fête.
Un soir, sont
arrivés les trois jeunes juifs. La nuit était déjà tombée. Le P. Arribat vient
me trouver. « Nous recevons ces trois jeunes. Vous auriez un peu de temps
pour leur apprendre le signe de la croix, le « Notre Père », et la
génuflexion. ?»
- Pourquoi ?
- Ce sont des
jeunes juifs. Il faut que demain matin, quand ils viendront avec les autres à
la messe, les autres élèves ne s’aperçoivent de rien.
- Qui envoie
ces jeunes juifs ?
- C’est Pie
XII.
-Comment, Pie
XII ?
- Pie XII a
parlé avec tous les évêques de France. Le Cardinal Saliège, archevêque de
Toulouse, vient d’écrire à toutes les institutions religieuses.
Et ce
soir-là, j’ai essayé d’enseigner le signe de croix, et la génuflexion à ces
trois jeunes. Je n’ai pas pu réussir à leur apprendre le Notre Père en si peu
de temps.
NB – J’atteste
pour Yad Vashem dont j’ai publié la version hier sur ce blog, qu’ils étaient
bien trois jeunes juifs. Yad Vashem a ajouté par erreur, Maurice Lager, un
jeune salésien qui était professeur et accompagnateur des élèves. Maurice Lager
m’a remplacé l’année suivante. Je faisais partie de « la classe 42 »
qui « devait partir toute entière en Allemagne, au service de Hitler »,
mais cela est une autre histoire.
PIERRE JARRET
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