DU COTE DES ARCHIVES N°2
(02 10 2015)
Un article de Mgr Jean Zoa, archevêque
de
Yaoundé, au moment de la construction
de la Maison Provinciale « Don
Bosco ».
(Revue NLEB ENSEMBLE N°
12 du
2 mars 1997)
DECES D’UN OUVRIER
DE L’ARCHIDIOCESE DE YAOUNDE
Le mercredi
29 janvier 1997, derrière
l’immeuble ministériel inachevé situé aux
abords du
grand carrefour de la Poste Centrale,
des ouvriers de l’Archidiocèse
s’affairent sur le
site du futur bâtiment des Pères Salésiens de
Don Bosco. Il
s’agit, en effet, du terrassement
pour lequel au moins six camions et une
trentaine de personnes sont mobilisées depuis
deux jours. La terre est enlevée
de cet endroit
et acheminée non loin de là, près la Direction
régionale de
la SONEL.
Il est 12h30
lorsque BETSOGO NLO Faustin,
Chauffeur à l’Archidiocèse, immobilise son
camion
pour un autre chargement. Au même
moment, un minibus TOYOTA HIACE, de couleur
blanche, avec des vitres fumées s’immobilise à
côté de lui. Cinq personnes en
civil en
descendent brutalement et l’arrachent
pratiquement de sa cabine sans
qu’il ait pu
mettre le pied à terre.
Voici la
suite :
-
Espèce de salaud !
-
C’est vous qui nous emmerdez dans la
circulation !
-
On vous emmène, comme ça vous allez
voir.
-
Mais laissez-moi, je ne vous ai rien
fait !
-
Que me voulez-vous et qui
êtes-vous ?
C’est alors que des collègues furieux volent
au secours de BETSOGO en
essayant de
bloquer l’action de ces messieurs
jusque-là
sans noms.
La réplique est inattendue : brandissant des
pistolets automatiques
et des cartes
barrées du drapeau camerounais, les
assaillants déclarent :
-
CENER, ne bougez pas, sinon on fait
un
malheur.
-
Mais qu’a-t- il donc fait ?
insiste le
conducteur des travaux.
-
Je veux partir avec lui.
-
Non, monsieur, nous l’emmenons seul,
et, si vous voulez, venez à notre base au lac et
demandez à me voir. Je suis
l’officier NDONGO.
Toute cette scène brutale, digne des films
de gangsters, aura duré moins
de cinq
minutes. BETSOGO est donc emmené par
ces inconnus qui affirment être du
CENER,
en fait la DGRE, car le nom a changé.
Les collègues restés sur place sont confus.
Ils ont travaillé tous
ensemble et ne
comprennent rien aux accusations selon
lesquelles l’intéressé
n’aurait pas mis ses
clignotants ou aurait menacé qui que ce
soit depuis le
matin.
Vers 14h 00, BETSOGO réapparaît tenant à
peine debout. Il raconte à ses
collègues
qu’il a été sérieusement molesté, qu’il a
reçu des coups partout au
corps, et surtout
sur les plantes des pieds. Ils ont cassé sa
montre et soutiré
une somme de 3000 FCFA
(trois mille francs). C’est, dit-il, cet argent
qui l’a
sauvé.
Le jour suivant, 30 01 97, l’infortuné ouvrier
arrive au travail. Il déclare
qu’il a très mal
dormi et se sent de mal en pis. Il prend
trois fois la douche
au garage pour essayer
de se remettre, mais rien n’y fait. Il décide
donc de
rentrer à la maison se doucher.
Le reste va aller très vite, c’est une
succession d’alertes. Sa sœur l’emmène
en
consultation chez un premier médecin à la
rue Manguier, lequel à son tour le
réfère à
l’Hôpital de la Cité verte, car croit-il savoir,
le patient devrait
passer un contrôle de
dépistage du diabète, vu son poids (120 kg).
A la Cité Verte, le médecin n’étant pas
présent, il faut aller le
chercher au CHU.
Là, le médecin procède à quelques examens
cliniques et décide
de garder le patient pour des
examens approfondis (radios et autres)
après le
long week-end. Nous sommes
rendus au samedi 8 février 1997.
En pleine nuit, BETSOGO commence à vomir du sang et,
au petit matin du
dimanche 9 février 1997, il rend l’âme.
Voici dans quelles circonstances notre
collaborateur dévoué est décédé.
Originaire
de la Lékié, il était marié et père de cinq
enfants.
Dès que la nouvelle de sa mort a été sue
par ses anciens collègues du
marché du
sable d’Etoudi où il avait travaillé avant
d’être embauché par l’archidiocèse,
ces
derniers ont voulu initier de nombreuses actions
de protestations
publiques, mais nous avons
conseillé d’attendre que notre conseiller
juridique
entre en contact avec les
médecins.
Nous sommes convaincus que le décès de
BETSOGO Faustin résulte des brutalités
corporelles reçues au CENER : vomir du
sang après des brutalités ne peut
qu’en
être la conséquence directe.
Je me sens engagé parce qu’il s’agit là d’un
cas patent du mépris de la
personne
humaine, de sa dignité, de sa vie.
Où en sommes-nous ?
Nous attendons du Gouvernement qui a
pris l’initiative de demander l’autopsie
–
laquelle a bien eu lieu – qu’il nous en
communique les résultats ainsi qu’à
l’opinion
publique.
La sépulture aura lieu dans son village, ce
19 février 1997, à 14h 00.
Dans tous les cas, l’Archidiocèse de
Yaoundé, dont le défunt était un
employé,
prendra toutes les dispositions qui s’imposent
pour saisir les
instances ppropriées.
Monseigneur Jean ZOA
Archevêque de Yaoundé
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