mercredi 11 septembre 2013

POLITIQUE


CHILI IL Y A 40 ANS

Le 11 septembre 1973

Le 11 septembre 1973, à 6 h 00 du matin je me trouve dans une
rue de Santiago du Chili. Cette rue est perpendiculaire à la grande
artère qui longe le palais de la Moneda.
Arrivé très tard hier soir, j’ai passé la nuit dans un  petit hôtel de
cette rue. Un certain nombre d’indices soulignait déjà la veille,
10 septembre, que certains  bouleversements étaient en train
de se produire. A plusieurs reprises, notre bus qui venait du sud
avait été arrêté par des barrages de troncs d’arbres ou d’autres
matériaux.
Des équipes de police, des volontaires du gouvernement
précédaient notre véhicule et déblayaient ces obstacles.
Nous avançions en prenant ainsi beaucoup de retard.
A notre arrivée très tardive à Santiago, il n’était plus possible
d’aller loger au grand collège des Salésiens, la « Gratitud Nacional ».
On me déconseillait de chercher à circuler.

Je demandais donc de passer la nuit en cet endroit, et au petit
matin, me voici dans la rue. Je souhaite aller très rapidement
vers la Moneda qui est en face de moi, au bout de cette rue.
Je m’arrête au premier café déjà ouvert. Deux garçons et une
jeune fille qui sont là pour servir les clients sont incapables de me
répondre. Tous les trois pleurent. L’un d’entre eux parvient à
m’expliquer : « Ils viennent d’annoncer à la radio . L’armée et
l’aviation vont attaquer la Moneda.  Partez vite. Allez vous mettre
à l’abri. »

Ils n'ont pas pu me servir un café. Je ressors sur la chaussée et
je reprends ma marche.

Un bruit derrière moi. Je me retourne. Une colonne de chars
d’assaut se dirige lentement vers la Moneda. Je presse le pas  
sur le trottoir.  Aux fenêtres des étages, quelques personnes,
hommes et femmes, agitent ici ou là, des foulards au dessus des
militaires qui s’avancent avec leurs blindés.

Nous arrivons au croisement des deux rues. Des enfants et des
jeunes sont rassemblés sur un des trottoirs qui fait l’angle. Je leur
dis en passant : « Allez vous en ! Les blindés arrivent. Ils vont
tirer. »

Je revois cet adolescent qui me crie : « Non ! On reste ! On n’a
jamais vu la guerre ! »

Les avions arrivaient quelques minutes après, et bombardaient le
Palais. On allait retrouver mort le Président Allende.
J’avais le temps d’aller jusqu’à la Maison salésienne. Rapidement,
nous allions voir des camions chargés de personnes arrêtées.
Le coup d’état était en marche.

                                                                   Pierre Jarret

 

 

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