samedi 13 juillet 2013

POLITIQUE


CENTRAFRIQUE
 
LES EVEQUES PARLENT
 
La Croix a rencontré Mgr Aguirre
 
Quand il pense à ses trente-quatre ans d’expérience en Centrafrique, Mgr Aguirre courbe la tête sous le poids des souvenirs. « Ma mémoire est un livre plein de larmes, les larmes de mon peuple », commence le missionnaire combonien. Sous les yeux de cet Espagnol de 59 ans, la Centrafrique enchaîne les rébellions, les coups d’États, les dictatures, dans un lent processus alternant destructions et rebonds. « J’ai connu des moments de joie intense, de joie ecclésiale, précise-t-il. Et j’ai été témoin d’un volume de souffrance qu’on ne peut expliquer par des mots. » 

 « C’est la loi des armes » 


En cet été 2013, Mgr Aguirre n’a pas terminé de « compter les larmes » de son peuple. Isolé à l’est de Bangui, l’évêché de Bangassou dont il a la charge est sous la coupe des ex-rebelles de la Séléka, désormais au pouvoir. « C’est la loi des armes », résume-t-il. Durant leur marche vers la capitale, les rebelles se sont emparés de la région le 11 mars, réquisitionnant aussitôt 30 véhicules appartenant à l’Église. Les pillages systématiques ont commencé les jours suivant. « Ils ont cassé tous les bureaux, la mairie, le cadastre, le tribunal, comme s’ils avaient voulu anéantir la mémoire historique », observe l’évêque.

Les hommes en treillis n’ont rien respecté, ni l’administration, ni les bâtiments essentiels. Bâtisseur dans l’âme, Mgr Aguirre avait développé une maternité, un service pédiatrique, une pharmacie, un centre Internet, un collège, un garage : tout a été dévalisé minutieusement au fil des semaines par des soldats livrés à eux-mêmes. La paroisse a perdu ses batteries, son frigo, les panneaux solaires si utiles en brousse. L’insécurité perdurant, le commerce s’est effondré. Le gazole se monnaie au prix fort. Les patients atteints du sida n’ont plus de médicaments pour suivre leur traitement.

 « Reste la foi et l’espérance » ,


résume l’évêque qui n’en a jamais manqué. Il avait 27 ans lorsque son ordre l’a envoyé à Obo, la ville la plus à l’est de la Centrafrique, aux frontières du Soudan du Sud. Une mission sans radio, sans électricité. La capitale était à une semaine de voiture. Mais ses supérieurs l’avaient bien préparé, en le dotant d’une solide formation en langue, philosophie et anthropologie, de Madrid à Paris en passant par Rome. « Je suis arrivé avec ma sacoche de théologie, se rappelle-t-il. Les habitants d’Obo l’ont rempli de philosophie de vie. Ils m’ont appris à être missionnaire. » 

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