samedi 16 août 2014

DANS L'ESPRIT


Mgr HERVE GIRAUD

Hommage à XAVIER THEVENOT, sdb 


Hervé Giraud rend hommage à Xavier Thévenot, théologien et humaniste salésien. Hervé Giraud est l’évêque de Soissons, Laon et Saint-Quentin ; il répond plus spécifiquement à la question de l’apport de la théologie morale de Xavier Thévenot pour la conduite pastorale d’un diocèse. DBA (Ndlr. "Don  Bosco Aujourd'hui" est le Bulletin salésien français) lui donne la parole.

 
« Autrement dit...» : c'était tout l'aspect éducatif de Xavier Thévenot

« Autrement dit » telle était l’expression de Xavier Thévenot que j’avais retenue pour ma thèse… qui ne vit jamais le jour ! Xavier l’employait souvent et elle me sert désormais quotidiennement, depuis plus de dix ans, dans mon ministère épiscopal. Par sa connaissance des sciences humaines, ce salésien avait le don de rendre accessibles des vérités morales, pastorales ou spirituelles. Comme évêque je pense souvent à cet « autrement  dit » pour exprimer la foi avec les mots, les images, les événements d’aujourd'hui. C’était tout l’aspect éducatif de Xavier, si essentiel dans une mission épiscopale dont l’autorité n’a pour but que de faire grandir dans le Christ.

 
Xavier Thévenot parlait de chasteté pastorale :
une distance qui n'est pas extériorité

Son héritage réside également en des mots importants de mon ministère. Xavier parlait de médiation, cette médiation si utile pour réconcilier et faire vivre la communion. Il évoquait aussi la chasteté pastorale pour vivre une distance qui ne soit pas extériorité dans le rapport avec les gens. La finitude était aussi un thème important pour rester dans une logique d’incarnation et d’attention à la réalité. Mais le mot qu’il a peut-être le plus développé est celui d’humanisation pour que la divinisation baptismale s’extériorise, pour que la foi se développe en amour, amour qu’il a lui-même vécu dans la souffrance, en nous invitant à ne pas aimer la souffrance.

 
« Xavier Thévenot m’a donné le sens de la proximité, de l’écoute, de l’humanité »

Son héritage se manifeste aussi à travers des trilogies qui nourrissent ma réflexion. Il aimait dire qu’il fallait circuler dans les mystères du rosaire pour aider les gens à ne pas se complaire dans un état, circuler dans la Trinité pour vivre les relations d’une manière différenciée (en famille, dans le travail, dans l’Église). Il invitait aussi à circuler dans le Triduum pascal pour apprendre à traverser chaque épreuve personnelle ou pastorale moins comme un travail de deuil qu’un travail de Pâques. Il en était encore de même pour les vertus théologales (foi, espérance, charité), ainsi que pour le vrai, le beau, le bon. Mais son apport le plus décisif aura été celui de l’articulation entre les trois dimensions de la morale : l’universel, le particulier et le singulier. Il circulait entre les principes généraux universels, les normes morales et la prise en compte de la personne singulière.

 

Avec lui, j’ai appris qu’une morale
est toujours en situation

Son héritage se présente ainsi comme des repères de morale, repères dont il avait compris la nécessité pour  redire le rôle de la conscience et celui de la loi (notamment la loi naturelle). Avec lui j’ai appris qu’une morale est toujours en situation pour ne pas être une morale de situation, qu’une sainteté pastorale se vit avec ses imperfections. Là aussi il utilisait des trilogies : trois interdits fondamentaux (fusion, meurtre, mensonge) ; trois fonctions de la sexualité (relationnel, procréatrice, plaisir) ; trois rocs du réel (espace, temps, sexe).

 
Son dernier héritage est celui de dire la joie… alors qu’il n’en débordait pas ! Mais justement il m’a ainsi appris à parler aussi de ce qu’on n’éprouve pas : l’homme raisonnable sait dépasser sa propre expérience.

 
En 2003, lorsque je fus nommé évêque, il me donna un conseil que je n’ai pas oublié : « Demande deux dons au Seigneur : celui d’une parole libre que nul ne peut enchaîner et celui d’une infinie miséricorde envers ton presbyterium ». Autrement dit… Xavier m’a donné le sens de la proximité, de l’écoute, de l’humanité, et finalement de l’action de grâce, celle qui permet déjà de vivre en « ressuscités avec le Christ » (Col 3,1).

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