FRANCE
LILLE : LA FOI D'UN GRAND PATRON
Philibert
Vrau,
pionnier du catholicisme social
Aujourd’hui méconnu, ce patron
attentif aux questions
sociales fut une figure de l’Église de France
à la fin
du XIXe siécle
Université catholique de Lille
Université catholique de Lille
« Sans
lui, et son beau-frère Camille Féron-Vrau, Lille
n’aurait pas son visage
actuel », résume le P. Bruno Cazin,
recteur délégué de
l’Université catholique de Lille et
Converti à 24 ans, ce fils d’industriel du
textile décide
très vite de consacrer une très large part des revenus de
l’entreprise héritée de son père – et connue à travers toute
l’Europe pour
le célèbre fil « Au Chinois » – au
développement d’œuvres
catholiques.
Convaincu de la nécessité de la présence de l’Église dans
les
milieux populaires, il finance la construction d’églises,
d’écoles et de
patronages dans les quartiers ouvriers.
Soucieux de l’engagement des chrétiens
dans la société,
il multiplie les cercles catholiques rassemblant laïcs de
toutes classes pour réfléchir aux questions sociales, crée
des congrès
catholiques, fonde l’Université catholique de
Lille, promeut la presse
catholique (1) et les conférences
Saint-Vincent-de-Paul, sillonnant la
région en train,
petite ville par petite ville. À cela s’ajoute son action dans
son usine même : suppression du travail de nuit des femmes, journée de dix
heures, repos dominical, logements ouvriers,
caisses de chômage et de retraite…
À sa mort, en 1905, Lille est, avec Lyon et Paris, l’une des
capitales religieuses de la France, et dès 1912 s’ouvre
mort en 1908. Bien avancé dans l’entre-deux
guerres, le
procès est arrêté par la Seconde Guerre mondiale, puis mis
en
sommeil en 1950 par le cardinal Achille Liénart sous
l’influence de l’Action catholique
qui reproche à ce patron
chrétien son caractère « paternaliste ».
« Aujourd’hui, les temps ont changé : nous ne sommes plus
dans la dynamique de la lutte des classes et le paternalisme
n’est pas le
danger qui nous guette », relève Bruno Cazin,
qui
retient de Philibert Vrau « l’homme profondément croyant,
qui puisait
sa force dans l’eucharistie et l’adoration, s’est
donné à la cause de l’Église
et de l’évolution de la région,
facilitant l’inscription sociale des chrétiens,
avec la vision
qu’il fallait éduquer les jeunes dans une perspective
chrétienne, depuis les écoles populaires jusqu’à l’université ».
Nicolas
Senèze
dans "La Croix" du 24 10 13
LE REGARD DE "MONDEACONSTRUIRE"
Assez souvent, nous entendons, "l'Eglise change" .
J'entends encore au début du Concile Vatican II,
Mgr Matagrin qui devint évêque de Grenoble, après
plusieurs années comme auxiliaire du Cardinal Villot
à Lyon, répondre à ce mot: "Oui, l'Eglise change, Dieu
merci !"
Le Cardinal Liénart a pu écouter à l'époque les militants
d'action catholique, pour qui il était difficile de ne pas
trouver curieux ce cheminement d'un patron vers "les
autels". Les situations étaient encore trop criantes. Les
paroles cinglantes de Léon XIII avaient marqué les esprits.
Il faut relire sa "Rerum Novarum":"...A tout cela, il faut ajouter
la concentration, entre les mains de quelques-uns,
de l'industrie et du commerce, devenus le partage d'un petit
nombre de riches et d'opulents, qui imposent ainsi un joug
presque servile à l'infinie multitude des prolétaires."
Le Cardinal Liénart pouvait hésiter sur ce point. Mais il
n'hésitera pas au début du Concile Vatican II. Il fut le premier
à exiger dès le premier jour, une totale liberté de parole
face aux "thèmes tout préparés de la Curie".
Pierre Jarret