NIGERIA
Mgr John Onaiyekan :
« Le gouvernement nigérian
ne fait pas son travail »
Dans un entretien accordé à La Croix, l’archevêque d’Abuja, Mgr John Onaiyekan, dont le diocèse a été durement frappé par des attentats le jour de Noël, appelle le gouvernement à assurer la sécurité du Nigeria.
Il souligne que les bombes ont tué des chrétiens, mais aussi des musulmans. Il demande aux catholiques de rester calmes et confiants.
ENTRETIEN Mgr John Onaiyekan,
archevêque d’Abuja (Nigeria)
Qu’attendez-vous des autorités ?
Je ne suis pas sûr d’être le mieux placé pour
conseiller telle ou telle action au gouvernement. Il doit savoir
ce qu’il a à faire ! S’il me demande mon avis, je lui dirai qu’il
faut dénicher les membres de cette organisation(NDLR :
Boko Haram, qui a revendiqué les attentats de Noël)
. J’attends que les autorités les arrêtent, qu’elles examinent
d’où ils viennent, qui les forme et qui les endoctrine pour en
faire des kamikazes. Si le gouvernement le veut, il peut le
savoir.
Nous n’attendons pas seulement que nos églises soient
protégées par des soldats ou des policiers : il existe déjà une
collaboration entre les services de sécurité et les
responsables chrétiens, mais cela ne suffit pas.
Aujourd’hui, nous faisons déjà tout notre possible pour
identifier qui vient dans nos églises et pour arrêter les
fauteurs de troubles qui pourraient venir perturber nos
offices. Aux abords de l’une des églises touchées par une
bombe, nous contrôlions déjà tous les véhicules. Mais la
voiture qui a explosé, et qui a fait tant de victimes, ne s’est
pas arrêtée.
Craignez-vous que ces attaques menacent l’unité du
pays ?
Oui, effectivement, mais n’oubliez pas que les bombes n’ont
pas seulement tué des chrétiens, mais aussi des
musulmans. Tous, que nous soyons chrétiens ou
musulmans, nous vivons dans l’insécurité. Nous sommes 140
millions d’habitants : 70 millions de chrétiens et 70 millions
de musulmans.
Certains parlent d’un risque de guerre religieuse au Nigeria,
mais ce qu’il faut souligner, c’est que beaucoup de conflits
prétendument religieux reposent en fait sur d’autres raisons,
économiques ou politiques. Ces attaques peuvent aussi
renforcer notre unité, chrétiens et musulmans. Nous
pourrions nous mettre tous ensemble pour renforcer l’unité
de notre pays.
Pouvez-vous comprendre une sorte de ressentiment de
la part de certains musulmans nigérians ? Est-elle
justifiée, à vos yeux ?
Le ressentiment est partout au Nigeria. Si les gens
commencent à poser des bombes et à tuer des innocents
parce qu’ils ont du ressentiment, alors tout le pays sera en
feu !
Le ressentiment n’est ni une justification ni une excuse de ce
qui est arrivé. Nous avons tous du ressentiment. L’une des
raisons, c’est que nous avons un gouvernement qui ne fait
pas son travail. Aujourd’hui, le problème doit se régler au
niveau politique.
Quel message voulez-vous adresser aux chrétiens de
votre pays ?
Depuis les attentats, les gens sont plus nombreux à se
rendre à l’église. Je me joins au président de la Conférence
des évêques du Nigeria, qui a appelé tous les catholiques à
rester calmes, confiants. Nous ne devons pas permettre aux
terroristes de semer la terreur dans nos esprits.
Je ne prendrai aucune mesure pour annuler le moindre office
religieux au mois de janvier. Nous voulons continuer à prier,
et continuer à adorer notre Dieu, et à accomplir notre
mission, en chrétiens libres.
Recueilli par LOUP BESMOND de SENNEVILLE
NDLR - Si parfois l'Eglise se tait devant les injustices, il y a
aussi des Pasteurs et des Laïcs qui savent dire en temps voulu une
parole attendue. "Tu ne tueras pas !" est inscrit dans le coeur de
l'homme depuis les premières pages de la Bible. Le redire à celui
qui massacre est aussi parole d'évangélisation, et, souvent, en nos
temps, de "nouvelle évangélisation". "N'ayez pas peur " de la
proclamer, "à temps et à contretemps !"